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Les parfums magiques : L'Egypte




LES PARFUMS MAGIQUES


Par Marguerite de Rivasson

(Extrait)


C’est en Egypte, toutefois, que la pratique des parfums se développe avec le plus d’ampleur, tant pour honorer les dieux que pour honorer la beauté humaine et la rendre plus précieuse.

Plus de cinq mille ans avant notre ère, ils existaient sous forme de pastilles rondes, sous forme d’onguents, sous forme de liquides. Il y avait à Alexandrie, aussi bien qu’à Thèbes, des parfumeurs célèbres qui vendaient des arômes composés, d’après des formules inconnues, d’anciennes matières végétales ou animales. Etaient-elles extraites des labiées, des conifères, ou bien leur aromaticité provenait-elle des excréments de certains crocodiles très recherchés par les fabricants ?

V. Loret dans son livre Etudes de droguerie égyptienne, dit que le parfumeur moderne, auquel on prescrirait de préparer ces aromates ou ces huiles parfumées, n’y parviendrait pas, car plusieurs éléments entrant dans ces manipulations n’étaient pas mentionnés dans les textes, le grand-prêtre ne voulant pas divulguer ses secrets.

Les parfums jouaient en Egypte un rôle prédominant, car l’Egypte fut le berceau de la pharmacie et de la parfumerie.

Diodore nous relate la grande extension qu’y prirent ces deux branches différentes. Comme les papyrus nous le transmirent, le dieu Horus était considéré comme le protecteur et le bienfaiteur de la pharmacie qu’il avait apprise de sa mère la déesse Isis. Il l’exerçait tant par les oracles que par les médicaments. Thot, que les Grecs adorèrent ensuite sous le nom d’Hermès, enseigna aux hommes la médecine et l’art de guérir, auxquels seuls les prêtres étaient initiés.

Je laisse cette branche de la médecine pour revenir à celle des parfums.

A côté des lieux du culte, le temple renfermait des locaux où les prêtres se chargeaient de la préparation des aromates à brûler, de l’huile parfumée destinée aux dieux, des aromates sous forme de pastille ou amschir. Cette manipulation très compliquée exigeait de longs mois de travail. Les aides pilaient les plantes, les fleurs, les racines, les herbes aromatiques, ou broyaient les résines et les gommes. D’autres brassaient, dans de grandes chaudières, le vin, les huiles, le miel, et le prêtre officiant, chef de laboratoire, leur lisait à haute et intelligible voix la formule qui était gravée sur les parois des laboratoires.

Pendant les sacrifices et les libations on brûlait des aromates sur les autels et on remplissait les lampes d’huiles odorantes, comme nous le rapportent les hiéroglyphes et les dessins peints sur les stèles des temples.

Aux jours des grandes cérémonies, le Roi ou le prêtre, son représentant, était accompagné d’un officiant tenant l’encensoir ou cassolette ; s’il est seul, il le porte lui-même ; ces vapeurs et cette flamme doivent éloigner les mauvais esprits et lier Set qui cherche l’œil d’Horus.

Nous savons que l’âme d’Osiris ayant trouvé, après l’assassinat d’Osiris par Set, un refuge dans l’œil d’Horus, l’assassin la poursuivait et attendait le moment favorable pour s’emparer de l’œil d’Horus et le dévorer.

Ces cassolettes, tenues au bout d’un long manche, étaient formées d’un petit récipient contenant des charbons ardents, sur lesquels on versait le Soumir, le Kari, l’Anti, le Kyphi.

C’est la raison pour laquelle Isis, s’adressant à Osiris, lui dit :

« Je suis là avec la lumière pour te sauvegarder chaque jour. »

Et lorsque le prêtre met l’aromate sur la flamme, il s’écrie :

« Ames divines d’Héliopolis vous êtes sauvées et moi je suis sauf. »

Pour bien comprendre l’importance essentielle que les anciens Egyptiens attachaient aux parfums, il est nécessaire d’étudier ce qu’en dit notre Maître, Henri Durville, dans son ouvrage très lumineusement détaillé : Dianoïa, chapitre : « La Vérité de Parole ».

Nous y trouvons, sous une forme condensée et explicite, tout ce qui se rapporte aux différents rites du culte égyptien.

A la page 222, notre Maître nous dit :

« L’onction spéciale de la face constitue l’huile appelée le parfum de l’œil d’Horus. »

« Cette composition est assimilée à un fard qu’on pourrait appeler pratiquement un fond de teint, car il n’est pas spécial à la joue ni à la bouche, mais doit couvrir la face. »

Et plus loin, nous lisons : « Je te lance l’œil d’Horus qui s’est uni au fard Mezet. »

Des fumigations avaient lieu aussi au moment de la purification des offrandes ; d’autres, quand, chaque matin, le Pharaon ouvrait la porte du naos où était la statue du dieu et, par des rites spéciaux, rendait à son effigie les énergies que la nuit était censée lui avoir fait perdre.

Le Pharaon demandait que le dieu lui vînt en aide, lui rappelant qu’il lui avait sacrifié quantité d’offrandes parmi lesquelles il n’oubliait pas de mentionner les parfums.

C’est ainsi que Ramsès III, invoquant Amon dans son temple de Médinet Habou, s’écrie : « J’ai fêté tous les jours le Maître des deux terres avec des pains, de la bière, des taureaux, des gazelles. J’ai multiplié les divines offrandes, etc. »

Et Ramsès II s’écrie : « Ne t’ai-je pas célébré des fêtes éclatantes et nombreuses ? J'ai enrichi ta demeure et je t’ai immolé trois mille bœufs avec toutes les herbes aromatiques et les meilleurs parfums. » (Voir le Pen Fa our, traduit par M. de Rougé.)



Sur une « stèle égyptienne des offrandes », on compte plus d’une centaine d’espèces d’aromates différents. Il est probable que le nombre des parfums connus dans l’ancienne Egypte dépassait de beaucoup celui que nous pourrions récapituler à cette heure.

La science des essences subtiles était alors hiératique, mystérieuse et traditionnelle dans la vallée du Nil.

Les grands prêtres exerçaient, ainsi qu’un sacerdoce, la manipulation des odeurs mystiques à l’aide de substances abscondes. Ils avaient le privilège de les vendre des prix très élevés à de riches particuliers qui savaient toute la valeur de ces senteurs divines préparées d’après d’anciennes recettes irrévélées et qui ne sortirent jamais des temples d’Isis ou d’Osiris où elles avaient été mises à l’abri des curiosités profanes.

Par Plutarque, nous savons que les prêtres célébraient le culte du Soleil, sous le nom de Râ, par trois oblations : la première à son lever avec de la résine, la seconde à midi avec de la myrrhe et la troisième à son coucher avec un mélange de seize ingrédients, nommé Kyphi.

Le culte d’Isis comportait aussi une grande consommation de parfums, et l’on raconte, d’après les historiens, que sous le règne de l’un des Ptolémées, eut lieu une procession des Panégyries où figuraient cent vingt enfants portant, dans des vases d’or, de l’encens, de la myrrhe et du safran et que suivait une longue file de dromadaires, chargés de trois cent cents livres d’encens, de safran, de cannelle, de cinnamome, d’iris et d’autres précieux aromates.

Mais dans aucune circonstance, peut-être, les Egyptiens ne faisaient une si grande consommation de parfums que lorsqu’il s’agissait de l’embaumement des défunts. Par le degré de conservation des momies, après des milliers d’années, on peut juger de la perfection de ces produits.

Pour comprendre l’intention initiatique qui présidait aux cérémonies des funérailles, pour en suivre les détails, il faut lire, ou mieux, il est nécessaire d’étudier l’ouvrage de Henri Durville : Mystères initiatiques, qui les expose et les commente.

Dans plusieurs de ses conférences si belles et d’un esprit supérieurement élevé, notre Maître nous a expliqué comment, selon la croyance égyptienne, l’homme une fois mort s’enfonçait dans la nuit jusqu’au jour où il renaissait à une autre vie.

Nous avons vu aussi que l’âme était parfois représentée sous la forme d’un oiseau : Bd, à tête humaine.

Dans la pensée des Egyptiens, cette figure signifiait que l’oiseau, par ses vols à travers l’espace, symbolise l’âme qui tend vers l’infini. Ainsi, les Egyptiens ne considéraient pas la mort comme la fin de toute chose, mais comme une « fonction de la vie », comme la fin d’un cycle. Les cérémonies de l’embaumement avaient pour but de lier le Double au corps.

« L’Ombre consciente de la momie doit rester dans l’hypogée », nous dit notre Maître, à la page 220 des Mystères initiatiques.

Ceci nous aide à comprendre cette sentence :

« Ressuscite de ton tombeau pour le paradis céleste (lieu de la préparation ou du renouvellement de soi-même), toi, vénérée momie, ta chair et tes os sont à tes membres, et tes membres à leur place ordinaire. Tu as la tête en place sur le tronc et ton cœur aussi. » (Annales du Musée Guimet.)

Les pratiques de momification ne datent pas des premiers temps de l’histoire d’Egypte.

Les hommes de l’époque prédynastique se contentaient d’ensevelir les morts couchés sur le côté dans une fosse peu profonde ; le climat, le sol très sec du pays se chargeaient à eux seuls de les conserver. Peu à peu, on en vint à chercher des procédés assurant une conservation plus parfaite, de sorte qu’on les enveloppa dans des sacs en toile ou en cuir, déposant près d’eux des urnes contenant les aliments et les boissons nécessaires à leur subsistance, diverses armes de chasse et de guerre, des engins de pêche, ce qui se pratiquait, d’ailleurs, chez tous les peuples primitifs.

Petit à petit, les idées religieuses s’étant transformées, les prêtres cherchèrent, au moyen de résines, à conserver au double sa dépouille mortelle et à lui assurer ainsi la tranquillité dans la vie de l’au-delà.

Ainsi fut institué l’embaumement.

Les embaumements égyptiens étaient accompagnés de cérémonies religieuses que je ne mentionne pas puisqu’elles sont décrites admirablement par notre Maître. (Voir son livre : Mystères initiatiques.)

Le directeur, ou Choachyte, connaissait seul les secrets de la conservation des corps, et, seul, il avait le droit de les appliquer.

S’il vendait son habileté à un prix élevé aux riches, il était tenu de faire gratuitement l’embaumement des pauvres, de fournir les bandelettes avec lesquelles il entourait la momie.

Ce fonctionnaire avait de nombreux auxiliaires : les prêtres, les tarycheutes ou porteurs de cadavres, les parachistes, qui faisaient les incisions réglementaires, enfin des artisans, des manœuvres, des menuisiers, des tisserands qui préparaient les bandelettes de lin que l’on faisait venir de Saïs, des hommes de peine portant les outres ou les amphores remplies de l’eau sacrée du Nil.

Tous ces subordonnés ne jouissaient pas de la même considération, quoique plusieurs appartinssent au clergé non-officiant et possédassent leur dignité par droits héréditaires. Ces droits se transmettaient de père en fils dans certaines familles, qui avaient reçu cette grâce du Pharaon.

On s’éloignait instinctivement du tarycheute, mais le véritable bouc émissaire de la maison de l’embaumeur, était le parachiste ; son contact souillait le cadavre ; à peine avait-il pratiqué les incisions avec son couteau en pierre d’Ethiopie, qu’il se sauvait à toutes jambes ; sans cette précaution, les assistants n’eussent pas manqué de le récompenser avec force bourrades et coups, pour l’assommer ensuite, croyant faire un acte méritoire en le punissant, ou pour marquer plutôt un semblant de condamnation envers le profanateur du cadavre.

D’autres prêtres présidaient aux cérémonies funèbres ; ils représentaient Anubis à tête de chacal.

Des mélodies étranges sortaient, de nuit comme de jour, de la maison d’embaumement, psalmodies lentes ou cris aigus, qui contribuaient à augmenter la vénération qu’on portait à ce lieu.

Hérodote (Livre II, chap. 85, 88) mentionne trois modes d’embaumement pratiqués 450 ans avant notre ère.

Dans le premier mode, on retirait le cerveau par les narines, puis on remplissait la cavité avec des aromates et des résines. Le corps était étendu par terre, le scribe traçait, sur le flanc gauche, l’endroit où l’incision devait commencer, et celui où elle devait finir. Le parachiste pratiquait alors l’incision avec un silex tranchant, que les Anciens dénommaient pierre d’Ethiopie et qui est connu aussi sous le nom de Caillou d’Ethiopie.

On retirait les viscères, à l’exception du cœur et des reins, on lavait la cavité abdominale avec du vin de palmier ; on la remplissait ensuite de myrrhe, de casse, d’aromates, d’asphalte, à l’exception de l’encens, qui ne pouvait être utilisé à cet effet. On recouvrait ensuite les téguments.

Le corps était alors lavé et salé ; on le recouvrait de natron pendant soixante-dix jours.

Ce laps de temps expiré, le corps était oint à nouveau avec de l’huile de cèdre ; on l’enduisait de baumes, on l’enveloppait de bandelettes, que l’on recouvrait d’une dissolution de gomme arabique.

Puis on dorait ou peignait la figure du défunt ; les bandelettes entourant son corps étaient parfois ornées de dessins et d’hiéroglyphes peints avec soin et d’une grande beauté.

Telle était la méthode la plus magnifique d’embaumer les morts.

Les personnes désirant éviter une forte dépense choisissaient la seconde méthode consistant à remplir des seringues d’une liqueur onctueuse de cèdre qu’on injectait ensuite dans le ventre du mort, sans pratiquer d’incision.

Puis on plaçait le corps pendant soixante-dix jours dans une solution alcaline. Le natron desséchait les chairs, il ne restait plus que les muscles, les os et la peau.

Le corps était ensuite entouré de bandelettes, à l’exception de la figure, que l’on peignait en rouge.

Le troisième mode d’embaumement, réservé aux pauvres, consistait à déposer le cadavre pendant soixante-dix jours dans une solution alcaline de natron, puis à l’entourer de bandelettes.

Un quatrième mode d’embaumement, plus simple, était aussi pratiqué. On entourait les cadavres de bandelettes, puis on les inhumait dans le sable à un mètre de profondeur, ainsi que le prouvent les momies retrouvées dans cet état.

J’ai puisé ces divers renseignements dans les Annales du Musée Guimet parues en 1902.


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